2. Une approche issue d’une culture différente
2.1. Les pays du nord de l’Europe
Les pays du nord de l’Europe continentale ont depuis le 19ème siècle élaboré des systèmes nationaux de qualification professionnelle et de certification fondés, soit sur l’administration centralisée par l’Etat (par exemple en France), soit sur une autorégulation ou co-régulation par les acteurs économiques (chambres et associations professionnelles et syndicales dans les pays germanophones et scandinaves) [1].
Dans ces pays, la « à qualification professionnelles » est traditionnellement définie comme la capacité de réaliser des tâches complexes, multidimensionnelles et interdépendantes. Elle s’appuie sur l’image traditionnelles du « à métier » et se réfère donc àl a maîtrise de tout un « à champ professionnel ». les qualifications professionnelles, évaluées et certifiées à l’aide d’examens théoriques et pratiques, sont ensuite sanctionnées par des diplômes nationaux, régionaux ou locaux, ou encore accordés par des organisations sectorielles (par exemples les industries métallurgiques ou le secteur bancaire).
Ces qualifications permettent d’établir des correspondances, négociées entre les partenaires sociaux, avec les classifications des emplois. Les système de ces pays d’Europe continentale ont été l’objet de réformes importantes pendant les dernières décennies. Des contenus plus multidisciplinaires et une place accrue ont été accordés aux savoirs et raisonnements théoriques, visant à mieux armer les jeunes apprentis face à l’abstraction, la complexité et l’interdépendance croissante de la plupart des emplois.
2.2. Les pays anglophones
Les pays anglophone, en revanche, n’ont pas d’importantes traditions de formation professionnelle formalisée, que ce soit à l’école ou dans l’entreprise. Depuis 1980, certains d’entre eux, comme l’Australie et le Royaume-Uni, ont cherché à définir des qualifications professionnelles basées sur des « à systèmes unifiés » de qualifications (les NVQ). Ces systèmes unifiés permettent d’évaluer et de certifier des qualifications professionnelles fondées sur la notion de « à compétences » définies comme la capacité prouvée d’accomplir des tâches concrètes, préalablement identifiées par, ou en coopération avec, les employeurs. La reconnaissance de telles compétences repose sur des normes, également élaborées avec la participation des employeurs et précisant le niveau de difficulté et donc de maîtrise exigé.
Contrairement aux traditions des pays de l’Europe continentale, ces nouvelles approches essaient d’éviter toute référence aux programmes de formation d’une part, aux classifications des emplois d’autre part. Elles cherchent à fournir une mesure neutre (indépendante des institutions et du lieux d’apprentissage), pertinente et souple des compétences, utile aux acteurs du marché du travail et capable d’ajustement à l’évolution des besoins de qualification. Elles tendent à découper les programmes et les qualifications en « à modules » et « à unités de valeur ». Au diplôme couronnant une période prescrite et prestructurée d’apprentissage formalisé, se substitue la reconnaissance de compétences plus partielles, accumulées dans l’ordre et au rythme des opportunités rencontrées par l’individu plutôt qu’imposées par le système éducatif.
L’originalité de cette démarche tient à la séparation stricte entre la certification d’une compétence d’une part, le lieu et le temps de son acquisition d’autre part : à l’école ou au travail, en formation initiale ou continue. On « à accrédite » (constate et certifie) un savoir et savoir-faire précis « à acquis quelque part antérieurement ». Cette approche est centrée sur les résultats des apprentissages (outputs); elle ne concerne pas directement le processus, l’itinéraire ou la qualité de l’apprentissage lui-même (inputs).
Cette nouvelle approche, que la plupart des pays anglophones développent actuellement, a des mérites incontestables et prouvés pour les adultes engagés dans la formation continue. Dans leur cas, la reconnaissance des « à acquis antérieurs » a pour but de « à mettre de l’ordre », de clarifier la diversité des expériences éducatives, professionnelles, culturelles, sociales. Ces acquis peuvent ensuite être pris en compte dans la négociation des rémunérations et conditions d’emploi.
3. Une pluralité de modes de validation
Le mode de validation n’est pas déterminé en lui-même par les NVQ, plusieurs modes sont possibles : tests, essai pratique, examen traditionnel, validation sur le lieu de travail… Toutefois, le système préconise que « à les performances doivent être mises en oeuvre et validées dans des conditions aussi proches que possible des situations de travail réelles ? ».
Si des instances de validation (awarding bodies) sont habilitées à délivrer les qualifications, cela n’empêche pas que tout ou partie de l’évaluation soit concrètement effectuée par l’encadrement de l’entreprise dans laquelle la personne travaille ou par la personne désignée comme tuteur.
Le système prévoit également que puissent être validées les compétences acquises au cours d’expériences professionnelles antérieures (« à accreditation of prior learning »). A cette fin, les candidats peuvent fournir les éléments susceptibles d’attester leurs compétences ; par exemple des disquettes ou des listings informatiques résultant de leurs travaux pour la certification dans une profession informatique, des lettres d’employeurs, des menus, des médailles… pour la certification dans les métiers de la cuisine. Il est en principe admis que ces éléments peuvent provenir d’expériences hors de la sphère professionnelle (par exemple, document attestant que l’on a assuré la trésorerie d’une association en tant que bénévole).
4. Un levier pour la transformation du système de formation professionnelle
Dans l’esprit de ses promoteurs, un tel système va bien au delà d’une simple mise en ordre des standards en matière de qualification. Il est censé produire des effets en profondeur sur le système de formation lui-même. En particulier, cinq objectifs sont plus ou moins explicitement visés :
- Ouvrir l’accès à une qualification pour un public d’adultes qui a développé ses compétences à travers l’expérience et qui est généralement exclu des cursus de formation longs offerts aux jeunes.
- Lutter contre le clivage traditionnel entre les enseignements formels et académiques, généralement effectués dans le système scolaire, et les enseignements pratiques effectués le plus souvent lors de la formation continue.
- Lutter contre les formes de sélection par l’échec au sein de l’appareil de formation initiale (sélection des « meilleurs » pour la poursuite de cursus académiques et rejet des moins bons vers des filières dévalorisées).
- Lutter contre une offre de stages de formation standardisés qui tiennent peu compte des besoins réels des entreprises et qui se prête mal à une mise en module des formations.
- Faire en sorte que la validation repose le plus systématiquement sur les résultats de la formation en termes de compétences plutôt que sur la validation d’un cursus de type scolaire à travers des examens qui attestent plus de l’assimilation de connaissances académiques que de savoirs pratiques.
Plus globalement, l’ambition du système est de revaloriser les apprentissages en situation de travail, de favoriser le développement d’organisations qualifiantes dans les entreprises et de remettre en cause la spécialisation fonctionnelle entre les organismes en charge de l’éducation et ceux en charge de la formation professionnelle.
L’un des présupposés du système est que l’acquisition de compétences professionnelles facilite le développement des aptitudes générales ou, inversement, que « à l’éducation » ne peut s’effectuer en dehors de toute situation concrète d’apprentissage. Même si ce type de présupposé n’est pas nécessairement partagé par tous les acteurs du système, il a marqué sa conception et ses développements récents. Une bonne partie des incompréhension auxquelles se heurte le système dans le reste de l’Europe, et en particulier en France, tient à ce qu’on l’appréhende d’abord comme un système de normalisation des qualifications alors qu’il est d’abord sous tendu par une conception originale (et qui ne fait pas l’unanimité) des processus d’apprentissage et de développement des compétences.
[1] Danielle Colardyn et Marianne Durand-Drouhin : L’Observateur de l’OCDE n°193, avril-mai 1995.
A lire aussi sur le sujet :
- Wikipedia – National Vocational Qualifications
- Cefi.org – Les NVQ dans la formation professionnelle anglaise
- Changer sa vie professionnelle : La validation des compétences
- jean-wemaere.com – La démarche collective de la VAE
- pboursin.club.fr – L’enseignement professionnel en Europe
- fr.learningfutures.eu – Validation des Acquis de l’Expérience
- durf2008 – L’organisation du système de Qualification en Angleterre
- cereq.fr – Débat autour des National. Vocational Qualifications
- cedefop – L’évolution des systèmes de validation et de certification
- Lou Van Beirendonck – Management des compétences
- Lou Van Beirendonck – Tous compétents !
- Jean-Luc Guyot, Christine Mainguet – La formation professionnelle continue
- Marie Lebert – Formation professionnelle : terminologie, du français vers l’anglais